L’orthophonie en téléconsultation : l’avis d’une orthophoniste

L’orthophonie en téléconsultation : l’avis d’une orthophoniste

L’e-médecine en était à ses balbutiements jusqu’à l’année dernière. Les nouvelles conditions sanitaires dues au Covid-19 ont précipité son déploiement. Aujourd’hui, la téléconsultation s’est largement démocratisée dans l’ensemble des professions de santé. C’est le cas de lorthophonie dont les séances en ligne commencent à se développer. Valérie, orthophoniste depuis plus de 20 dans le Maine et Loire, partage son expérience de la téléconsultation avec sa patientèle essentiellement composée d’enfants scolarisés en primaire et d’adolescents.

Pourquoi avoir choisi d’exercer en téléconsultation pendant le confinement ?

Pour ma part, c’est surtout ma conscience professionnelle qui m’a motivée à pratiquer la téléconsultation pendant cette période. Je me suis dit instantanément que ce confinement risquait de durer longtemps et, pour moi, c’était impossible de laisser mes patients sans soin pendant des mois. Notre syndicat a rapidement œuvré pour qu’on puisse travailler en télésoins. La plateforme ORA m’ayant contactée en amont, cela m’a permis de faire les démarches administratives afin de pouvoir commencer à exercer à distance dès l’annonce de l’autorisation du télésoin. Sur le plan financier, j’avais aussi besoin de maintenir mes revenus.

Quelles différences avez-vous relevées chez les patients qui ont consulté en ligne par rapport à ceux qui se rendent en cabinet ?

Pour les ados, j’ai noté que cela allégeait leur démarche. Le fait d’éviter un temps de trajet leur a permis de vivre ça un peu mieux. Ils étaient par conséquent plus réguliers et j’ai évité l’écueil des nombreuses absences.

Autre point important, l’utilisation de l’outil informatique leur a beaucoup plu. Pour certains enfants ayant des troubles attentionnels, notamment un TDAH, l’informatique permettait de mieux capter leur attention. En ce qui me concerne, cela m’a permis de prendre plus de recul par rapport aux séances en présentiel. Le fait de ne pas être en immersion m’a donné un autre regard. Par exemple, en utilisant régulièrement le jeu du Memory en ligne, j’ai constaté l’importance du regard que l’enfant pose sur un écrit, une image. Une opportunité pour lui apprendre à analyser et à retranscrire différemment certains détails.

Quelles sont les bonnes conditions pour réaliser une séance d’orthophonie en téléconsultation ?

Au-delà d’une bonne connexion et un matériel informatique convenable, ce qui ne peut malheureusement pas être le cas pour tous les patients (moyens financiers, accès à une bonne couverture réseau…), il me semble primordial d’avoir à disposition une plateforme comme IGERIP par exemple qui propose des outils de rééducation. Ce logiciel permet de mieux interagir avec le patient grâce aux partages d’écran de ces logiciels. Ces outils sont perfectibles, mais ils ont le mérite de proposer des activités interactives de concentration, de mémoire, de langage écrit …

La présence des parents, comme en présentiel, me semble également essentielle. La guidance parentale est un pilier du traitement orthophonique, et la preuve par l’exemple étant pour moi la meilleure donc je les invite à rester pendant la séance.

Pour l’orthophoniste, l’utilisation d’une tablette graphique m’a paru aussi très pratique et bien adaptée.

Comment avez-vous réalisé vos séances en téléconsultation ?

Outre les plateformes précédemment citées, nous avons pu télécharger et partager en ligne différents supports. Petit à petit, cela devenait de plus en plus facile pour ces enfants de manipuler l’outil informatique. C’est un support qu’ils doivent apprendre à maîtriser en classe, mais qu’ils ont parfois peur d’utiliser. La téléconsultation les a décomplexés à ce niveau-là et pour certains, cela leur a permis de sauter le pas et de faire la demande de l’utilisation de l’outil informatique en classe. Avec les enfants souffrants de troubles DYS, j’ai davantage travaillé avec les images mentales (suite logique…) ce qui a permis à mes patients de se faire une représentation, et de la garder en mémoire.

Y’a-t-il des cas où la téléconsultation en orthophonie vous a paru inadaptée ?

Dans le cas d’une jeune patiente, la maman n’avait pas d’autre support informatique que son téléphone et très clairement, les troubles de l’enfant conjugués à la manipulation d’un smartphone n’ont pas permis de réaliser une séance de télé-orthophonie correcte.

Lors d’une séance d’orthophonie en ligne avec un enfant qui présentait un trouble de lattention, et qui était manifestement peu sensible à l’outil informatique, je me suis fait raccrocher au nez ! Situation qui aurait été impossible en présentiel puisque je peux accompagner l’enfant et gérer ces moments de stress.

Avez-vous obtenu des résultats similaires au suivi orthophonique en cabinet ?

Si l’on se focalise sur cette période sanitaire où le port du masque est obligatoire en présentiel, il parait évident pour moi que les séances d’orthophonie en ligne sont plus efficaces et facilitées. En effet, travailler l’articulation et les sonorités avec un masque est aberrant. Sur une séance de 30 minutes, les échanges sont continus, donc avec un masque les conditions ne sont pas favorables.

C’est aussi un partage du quotidien et de l’environnement que l’on vit à travers la téléconsultation et cette découverte mutuelle était agréable et instructive pour ma part. En effet, avoir une idée des conditions de vie de l’enfant avec lequel je travaille est un vrai plus. Nous pouvions discuter de leurs centres d’intérêt et ils ont pu me montrer leur univers.

Les parents étaient très satisfaits de ces séances à distance. Certains ont néanmoins souhaité que l’on programme épisodiquement des séances en présentiel pour garder un lien, un contact, surtout après les difficultés du confinement. Et je pense également que le présentiel ponctuel permet de raffermir le lien entre les patients et l’orthophoniste.

Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?

En termes de logistique, la téléconsultation est un immense progrès, et me parait très adaptée. Mes collègues et moi-même avons vraiment apprécié ce mode de fonctionnement. Une amie orthophoniste qui a souci de santé y a trouvé bien évidemment un bénéfice supplémentaire ! Attention néanmoins à ne pas assimiler séance en ligne et augmentation du nombre de rendez-vous ! Développer la télé-orthophonie ne signifie pas pouvoir assurer plus de séances. D’un point de vue strictement pratique, les bénéfices sont, outre ceux cités plus haut, la possibilité de combler les déserts médicaux et de suivre efficacement les patients français expatriés à l’étranger.

À noter également que travailler en visio est plus éprouvant que d’exercer en cabinet. Je pense notamment à toute la mise en place et à l’accessibilité des patients à l’outil informatique (connexion, identifiants, mots de passe, certaines difficultés de gestion de comptes…). Il faut diriger les parents et les patients, expliquer le fonctionnement, et en cela ORA a été d’une grande aide. Avec patience et méthode, les collaborateurs de cette plateforme m’ont accompagnée et soutenue pour que tout fonctionne efficacement. Pour moi la téléconsultation va se pérenniser, car elle présente de réels bénéfices pour les patients, voire plus qu’en présentiel pour certains troubles du comportement.

 

2020-10-30T10:12:23+00:0030 octobre 2020|Orthophonie|
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