Le burn-out parental : quand perfection rime avec dépression

Le burn-out parental : quand perfection rime avec dépression

À l’ère des photos de vies parfaites qui fleurissent sur Instagram, la famille n’échappe pas à cette quête de l’image. Parents heureux, bébés bonheurs et familles épanouies s’affichent sans modération. Ces clichés figés et leur filtres doucereux coexistent avec une réalité taboue : Le burn out parental. Cette dépression qui touche certains parents, pères et mères sans distinction, n’est pas une fatalité. Pour mieux comprendre cette saturation et la perte de plaisir dans le rôle de parent, il faut déterminer : quelles sont les causes ? Comment le reconnaître et y faire face ?

Les causes du burn-out parental

“D’après les rares études sur le sujet, menées en Belgique principalement, 5 à 8% des parents seraient actuellement en situation de burn-out parental”

Pourquoi est-ce si difficile de les diagnostiquer ? Car ces parents épuisés s’en veulent tellement, qu’ils n’osent en parler à personne, même pas à leur conjoint.
Psychanalyste et autrice du livre “Burn out parental”, Liliane Holstein associe ce syndrome à la place qu’occupe l’enfant dans la famille depuis 1980-1990. Son constat souligne que les parents d’aujourd’hui se préoccupent beaucoup plus de l’amour que leur enfant leur porte. S’en suit une recherche permanente de perfection épuisante pour que l’enfant soit comblé.

Y’aurait-il une catégorie sociale plus touchée par ce burn-out ? Isabelle Roskam, Docteur en Sciences psychologiques et Professeure en psychologie du développement, assure qu’”il n’y a pas de profil type de parent en burn-out. Chacun à son histoire. Le point commun de ces burn-out : ils sont toujours liés à un phénomène d’accumulation et de non-compensation.”
Ces accumulations concernent notamment les angoisses liées à la fonction de parents et la perte de liberté que cette nouvelle mission induit. La santé de l’enfant, sa dépendance aux parents, les appréhensions liées à son bon développement…

Des profils cognitifs seraient-ils plus propices ? Être perfectionniste et avoir une histoire personnelle difficile sont des facteurs à risques. En effet, le burn-out parental semble plus fréquent chez des personnes qui placent très haut la barre de leurs exigences. Les profils de parents atypiques, susceptibles de recevoir plus de pression sociale et de jugements, sont aussi plus exposés à ce syndrome.

Certains enfants seraient-ils la cause du burn-out de leurs parents ? Enfant en échec scolaire ou élève brillant, enfant sage ou hyperactif, enfant atteint de maladies, handicap ou enfant en parfaite santé, aucun enfant n’est responsable de ce déséquilibre. Les cas de burn-out sont diagnostiqués autant chez des familles en apparence idéale que chez des familles dont les enfants rencontrent des difficultés.

Enfin, s’ils ne sont pas une cause directe du burn-out parental, Instagram et Facebook engendrent un effet nocif aggravant. Moïra Mikolajczak, qui a participé à l’étude belge, alerte :
“il faut arrêter de poster des photos parfaites, car elles peuvent créer des situations de stress pour les autres parents”.

Les signes d’alerte d’un burn-out chez les parents

“J’avais l’impression d’être devenue distante vis-à-vis de mes enfants. Je regardais les autres parents à la fête de l’école et je me disais que j’étais un monstre d’insensibilité.
Témoignage d’Aïda, maman de trois enfants

L’épuisement du ou des parents : Ce symptôme est l’un des premiers à se manifester. Les parents ont l’impression d’être à bout, vidés et émotionnellement fragiles. Ils n’arrivent plus à réfléchir de manière constructive à cause d’un trop plein qui les submerge. Cette fatigue constante augmente avec des troubles du sommeil qui aggravent le mal-être.

L’objectif d’atteindre la perfection : Ce désir de perfection se manifeste dans de nombreux domaines liés à la parentalité : la recherche d’une éducation idéale, d’une école parfaitement adaptée, des repas équilibrés, des activités extrascolaires diversifiées… Au-delà de la charge mentale qui pèse sur les parents, c’est une forme de course à la performance qui repose aussi sur les épaules de l’enfant.

La perte de son équilibre émotionnel : Alterner crises de nerfs et témoignages de tendresse démesurés sont aussi le lot des parents dont l’équilibre émotionnel est fragilisé. Les pertes de sang-froid qui mêlent cris et gestes violents doivent alerter l’entourage.

La distanciation affective envers ses enfants : écrasés par sa fatigue, les parents en burn-out n’ont plus la motivation de s’investir dans des échanges et un relationnel de qualité avec leurs enfants. Ils écoutent à peine ce que leur partage leur progéniture et se désintéressent peu à peu de ce qui fait leur quotidien : l’école, les apprentissages, les émotions… Ses interactions se résument au nécessaire (le repas, le bain, le trajet pour l’école…) de façon presque mécanique.

“Avant, j’adorais jouer au foot avec mon fils le week-end. Là, je n’éprouvais plus de plaisir, j’étais là physiquement avec lui, mais mentalement, j’étais ailleurs. Je n’avais envie que d’une chose, c’était d’être ailleurs. Je me disais que j’étais nul, que j’étais indigne d’être père.”
Pierre, un enfant

Le désintérêt pour le conjoint : dépassés par les évènements et leur quête quotidienne du parent idéal en tous points, les parents manifestent souvent une forme de désintérêt pour la vie de couple. Cette séparation invisible commence par une baisse de la libido et se poursuit avec des échanges qui se limitent au strict nécessaire. Souvent, les parents atteints par ce syndrome vont repousser l’heure du retour à la maison et faire par exemple des heures supplémentaires à leur travail, voir fréquenter des sites de rencontres.

La perte de confiance en soi : En constatant qu’ils ne peuvent pas atteindre le niveau d’exigence qu’ils se sont fixé, les parents souffrant de burn-out perdent confiance en eux. Ils pensent qu’ils sont incapables de faire face à tout ce que leur rôle implique et se jugent très sévèrement. Des troubles alimentaires peuvent d’ailleurs survenir et une perte ou une prise de poids importante est souvent constatée.

Les comportements addictifs : Quand les personnes atteintes de burn-out parental ne se jettent pas à corps perdu dans leur travail, ils fuient dans le sport, les achats compulsifs, la consommation d’alcool ou de substances diverses. Certains s’adonnent à des jeux vidéo ou sont sur leur smartphone pendant des heures. En somme, tous les moyens sont bons pour échapper à leur réalité.

Soigner le burn-out parental

Bonne nouvelle, les chercheuses belges à l’origine de cette étude affirment qu’une fois le diagnostic posé et clairement reconnu par le parent, le rétablissement peut être rapide ! Quand certains parents frôlent les envies suicidaires pendant des années, quelques semaines suffisent à rétablir leur bon équilibre et leur confiance en eux. Des psychologues proposent des thérapies brèves qui, en quelques séances changent considérablement l’état des parents en burn-out. Pour ceux dont l’agenda est déjà trop rempli, les psychologues en ligne offrent un suivi à distance de qualité similaire.
Participer à des groupes de paroles est l’une des meilleures solutions au burn-out parental. L’une des réalités que l’on finit par admettre est qu’”il faut arrêter de penser que tout est inné, que tout est facile et, en tant que jeune parent, on a le droit de dire “stop, j’ai besoin d’aide””.

Si le trouble n’en est qu’à ses prémices, il est encore temps de se poser et de réfléchir à tous les moyens et les gens dont on dispose autour de soi pour nous aider. Le parent en burn-out croit à tort qu’il doit tout faire seul, qu’il est le seul à faire les choses comme il faut. Erreur. La clé c’est de déléguer. En sollicitant le soutien de son partenaire, des grands-parents, d’une nounou… la charge s’amenuise et l’on se rend compte que finalement, si tout n’est pas fait exactement comme on l’aurait fait soi-même, cela ne nuit à personne. La diversité a aussi de bons côtés !

Apprendre à gérer ses émotions ne concerne pas que les jeunes enfants. Les parents dépassés peuvent aussi prendre du recul sur leur excès de colère et se remettre en question. Isabelle Roskam propose de procéder par autoréflexion : « Quand je hurle, combien de temps dure l’émotion ? Quels sont les signes corporels annonciateurs (estomac noué, coup de chaud, etc.) ? C’est alors qu’on pourra éviter le débordement en faisant redescendre l’intensité émotionnelle, par des exercices de respiration, une sortie, une heure de jogging, etc. Il y a 1000 façons de gérer ses émotions.” Solliciter la présence du conjoint est aussi salutaire. En disant “je me sens débordée/fatiguée/en détresse…” le partenaire peut apporter son soutien.

Enfin, il est primordial de prioriser les obligations parentales. Avoir un linge repassé, cuisiner des plats maisons à chaque repas, avoir une maison impeccablement propre et bien rangée, accompagner son enfant à plusieurs activités extrascolaires, faire du sport, lui apprendre à bien tenir son stylo, être performant à son travail… Non, ce planning n’est pas réalisable pour un parent. Il faudra savoir renoncer à ce qui compte le moins, réduire le temps passé sur ce qui compte quand même et inclure dans les week-ends des plages horaires du genre : passer l’après-midi avec mon enfant et le laisser choisir ce qu’il aura envie de faire. Ce soir-là, ce sera livraison de pizza, et la maison sera surement en désordre et votre famille n’aura jamais été aussi heureuse.

Conférence en replay sur le sujet: https://www.dys-positif.fr/conferences-dys-positif/

 

2021-04-04T15:10:35+00:004 avril 2021|Guidance Parentale, Psychologie|
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